La relation avec la double culture
Souvent, les personnes qui ont grandi avec plusieurs cultures ne se sentent chez eux nulle part. Ces identités culturelles peuvent se mélanger, elles peuvent exister en équilibre, elles peuvent être en conflit. De plus, ces personnes ont non seulement un décalage générationnel, mais aussi un décalage culturel avec leurs parents immigrés. Ces enfants se retrouvent donc entre plusieurs cultures ; pas complètement dans la culture des parents, et pas complètement dans celle du pays où ils vivent non plus.
Écoutons comment ces personnes voient leurs cultures multiples.
Boulomsouk : J'ai peut-être l'avantage d'être née à l'étranger. Comme je suis née dans mon pays d'origine, c'est peut-être plus facile pour moi, finalement, de m'être construite, parce que je me suis toujours construite en étant l'autre.
C'était un peu compliqué, quand les gens à l'étranger me demandaient d'où je venais. Donc, j'étais obligée, pour être claire, de leur expliquer que j'étais née au Laos mais que je vivais en France. Et le jour où j'ai eu les papiers d'identité françaises, ça a été simple. Je pouvais dire que j'étais Française.
Lin : Je suis à la fois avec la manière de penser typiquement chinoise, mais là, parce que j'ai vécu une dizaine d'années en France, quand je retourne en Chine, en échangeant avec mes amis de mon âge, on a trop de vécu différent, donc on ne me considère pas comme un vrai Chinois maintenant.
Donc comme j'ai peut-être endossé un rôle d'adulte très tôt, peut-être que ça me donnait un statut, et peut-être que ce statut me donnait du pouvoir, finalement, sur les deux cultures. Le pouvoir, finalement, de me dire, je suis l'intermédiaire entre les deux.
Après au fond de moi, est-ce que je me sens plus française ou laotienne, je ne saurais pas dire, ça dépend des fois. Je me dis laotienne parce que ce sont mes racines, mais comme j'ai grandi quand même en France et que j'ai vécu la majorité de ma vie en France, je suis quand même beaucoup plus française que n'importe quel laotien au pays. Donc je ne peux pas faire semblant. Mais j'essaie de cultiver ma culture quand même, ce qui n'est pas facile.
Diane : C'est très compliqué parce qu'en fait c'est conflictuel. Les parents sont restés avec la mentalité du pays, ils n'ont pas forcément évolué. Et les enfants ont absorbé, parce qu'ils ont été scolarisés ici, d'autres modes de pensée. Donc en fait, non seulement au niveau familial, il y a le ‘gap générationnel’, mais il y a aussi le ‘gap identitaire’. Donc en fait, c'est très difficile de vivre selon les deux en même temps. On est obligé de faire des choix à certains moments.
Cécile : Moi, je pense que comme beaucoup d'enfants asiatiques d'origine chinoise, mais qui sont nés en France, j'ai beaucoup rejeté mon côté chinois au début quand j'étais enfant, du fait des discriminations ou du jugement des autres.
Daniel : Je dirais qu'il y a toujours des conflits, mais ça dépend toujours des expériences, des situations, parce qu'il y a des choses dans la culture française et dans la culture chinoise qui s'opposent.
Et donc, on va prendre le meilleur des deux ou choisir. Parfois, je vais choisir d'être plus Français, parfois plus Chinois. Ça dépendra de la situation. Aujourd'hui, je suis en paix avec la double culture. Je sais qu'il y a des conflits, des oppositions à lire dans certaines situations et il faut juste choisir la meilleure solution.
Camille : Mais je n'ai pas vraiment eu de mal avec ce mélange parce qu'en même temps j'ai grandi dans le 13e arrondissement donc j'étais entourée de personnes asiatiques qui étaient plus ou moins dans la même situation que moi, je n'avais pas vraiment de gros problèmes.
Linda : C'est à la croisée de multiples cultures qu'on se rend compte aussi qu'on a de la valeur. Parfois, on a l'impression que ça dilue notre culture et qu'on n'est pas assez français, on n'est pas assez asiatiques. Mais on peut aussi voir la chose différemment ou justement multiplier les cultures et c'est encore plus valorisant. Ça dépend de quel côté tu te mets.
Thanh : Pour moi, c'est une langue d'héritage et je me sens en conflit parce que les gens, quand ils me regardent, ils ont l'impression que je suis Vietnamienne.
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